☕️ Pause café — Comment le modèle Hook se positionne-t-il comme un outil à la fois séduisant et néfaste pour ses utilisateurs ?

Salut ✨

Aujourd’hui, c’est à mon tour de vous écrire un article pause café, étape cruciale d’intégration au sein de la Chouette Co.🦉

Au-delà des nombreuses sources (très variées) sur lesquelles je me suis reposée, mon article a pu être enrichi par les diverses interviews de mes collègues, ce qui fait de cet article, un projet avant tout collaboratif.

J’ai choisi une thématique qui peut parler à tous : Le modèle Hook.
Bien que ce nom ne vous dit certainement rien au premier abord, sachez que vous y êtes pourtant confrontés au quotidien.

À travers cet article, nous verrons dans un premier temps, en quoi le modèle Hook est un process attractif et omniprésent, ainsi que son fonctionnement. Puis nous interrogerons son manque d’éthique et la nécessité de faire sans aujourd’hui. Enfin, nous analyserons les limites de chacun dans l’utilisation de ce modèle, ou de process similaires, au sein de la Chouette Co.

💸 Le Modèle Hook, théorie & bénéfices

Tout d’abord, commençons par analyser les différentes étapes du process en s’appuyant sur le podcast de Romain Penchenat : “Modèle Hook, design des produits addictifs par Parlons design”.

🤔 Le modèle Hook, c’est quoi exactement ?

Premièrement, le modèle Hook a vu le jour de manière officielle, dans l’incontournable best-seller, Hooked de Nir Eyal et Ryan Hoover. Ce livre illustre comment concevoir des produits addictifs en 4 étapes clé, à l’image d’Instagram, Facebook ou encore Tinder.

Illustration : Lise Pettine — UX/UI Designer at La Chouette Co

1 —💡 Le déclencheur

Cette étape va permettre d’attirer l’utilisateur vers le produit. Pour cela, on utilise une combinaison de déclencheurs à la fois internes et externes.

Les déclencheurs externes vont aller chercher les utilisateurs dans le but de les attirer vers le produit.
On peut prendre l’exemple des publicités, invitations, ou systèmes de parrainage, qui incitent les utilisateurs déjà acquis à solliciter d’autres potentiels utilisateurs afin de gagner des récompenses.

En parallèle, on a les déclencheurs internes qui vont venir combler un besoin. Comme quand on sollicite Wikipédia lorsque l’on désire une réponse immédiate.
Mais le plus efficace reste encore le jeu des émotions, c’est-à-dire que le produit doit venir combler une émotion comme l’ennui ou encore la solitude. Spotify, par exemple, comble l’ennui de nombreuses personnes dans les transports en commun.

Par ailleurs, le timing du déclencheur a aussi un impact non-négligeable, car selon le contexte dans lequel l’utilisateur se trouve, il peut radicalement influencer l’action. Par exemple, pour Uber Eats, une notification vers l’heure du repas, a davantage de chance de solliciter l’utilisateur.

2 —📱L’action

Par la suite, quand l’utilisateur utilise déjà le produit, la prochaine étape reste l’action générée par l’utilisateur sur l’application.
Par exemple sur Spotify, ce serait d’écouter de la musique.

L’objectif est de motiver l’utilisateur, qu’il soit stimulé par la potentielle récompense qu’il peut acquérir par cette action. Pour cela, on peut jouer sur l’envie ou bien même la crainte, comme l’envie d’appartenance ou la crainte de rejet, qu’on retrouve sur Instagram.

Aussi, la simplicité de l’action à réaliser va avoir son importance. En effet, si l’expérience utilisateur nécessite une action courte et optimale, l’utilisateur sera plus motivé, qu’une action longue et complexe.

Illustration : Lise Pettine — UX/UI Designer at La Chouette Co

3 —🏆 La récompense variable

Qu’elle soit tangible ou non, on peut la retrouver sur différentes formes :

  • La récompense sociale : avec les likes comme sur Instagram.
  • La récompense éducative : lorsque l’utilisation du produit va pouvoir nous apporter des connaissances.
  • La récompense d’ego : avec l’utilisation d’un système de grades ou de niveaux qui permet de satisfaire l’ego de l’utilisateur.

Il en existe d’autres comme la récompense monétaire, mais elle n’est pas recommandée, car dans la plupart des cas de produit grand public, on se rend compte que son utilisation n’est pas pérenne et s’essouffle vite.

Plus ces récompenses sont mixées, plus leur effet sera décuplé. On peut prendre l’exemple d’Instagram, utilisant à la fois la récompense sociale et d’ego avec l’augmentation du nombre d’abonnés.

D’autre part, l’aspect variable est central. En effet, il est important que l’utilisateur ne puisse pas prédire la récompense, mais que le suspense soit entretenu tout au long de l’expérience. L’important est de satisfaire sans combler, pour continuer à pousser l’utilisateur à désirer toujours davantage.

Toujours dans l’exemple de Spotify, les récompenses peuvent être des préventes de concerts d’artistes que l’on écoute souvent, ou encore des suggestions de musiques.

4 — 📈 L’investissement

C’est le point le plus important, car, à force de répéter le parcours action et récompense, cela va fidéliser l’utilisateur sur le long terme.

Dans les processus psychologiques utilisés couramment, on peut citer :

  • L’effet IKEA, qui incite l’utilisateur à valoriser ce qu’il a construit, par rapport aux autres, car il investit du temps et de la volonté, dans le produit sur le long terme.
  • La consistance dans les actions passées, afin de rentabiliser l’investissement qu’on y a déjà mis et l’appartenance qu’on a potentiellement acquise.

On peut faire un parallèle avec l’infinity scroll, on investit du temps à scroller, et on se dit que ce sera peut-être mieux après, donc on continue.

Dans notre exemple avec Spotify, ce serait de créer des playlists personnalisées, que l’on enrichi régulièrement.

🎁 Les bénéfices

Tout cela amène à une utilisation régulière, qui permet un haut taux de rétention, indiquant la capacité à retenir ses clients après qu’ils aient effectué leur première expérience au sein du produit. Plus les clients sont fidèles et consultent le produit régulièrement, plus le taux est élevé.
C’est une manière efficace de s’assurer de la pérennité du produit, et donc de faire du profit.💰

“Le modèle Hook reste vital pour nourrir le besoin de croissance et d’argent des entreprises” Clément Hector — UX/UI Designer at La Chouette Co

Au-delà de l’aspect financier, on peut y voir d’autres bienfaits.

“Le modèle Hook permet de proposer de nouvelles fonctionnalités qui permettent aux utilisateurs de s’approprier le produit en s’impliquant réellement” Clémence Billaud — UX/UI Lead Designer & Studio Manager at La Chouette Co

Effectivement, puisque souvent, les produits veulent fidéliser leurs utilisateurs, ceux-ci, ont un rôle actif qui rend les produits toujours plus interactifs avec une dimension plus humaine et sociale.

De plus, le modèle Hook répond à un besoin : motiver l’utilisateur.

“Je pense qu’au sein de produit B to B, on peut se passer du modèle Hook, car les utilisateurs sont déjà sous contrainte, sa motivation est le travail. Contrairement aux produits B to C, où on fait face à applications récréatives, les utilisateurs ont besoin d’être drivé” Ludovic Rambert — Hub Manager Grenoble at La Chouette Co

En effet, lorsque la tâche n’est pas nécessaire, la carotte peut être un bon outil pour inciter à faire l’action. Dans ce cas, le modèle Hook sollicite l’utilisateur en gamifiant l’expérience, c’est-à-dire, en la rendant plus ludique. (D’ailleurs, si tu veux en savoir plus, tu peux consulter l’article sur la gamification de mon chouette mentor, Mael 🎲.)

On peut prendre l’exemple de Duolingo, une application de cours de langue en ligne, qui marche avec un système de grades et de classement qui sollicite l’utilisateur à passer des niveaux et à pratiquer régulièrement.

Illustration : Lise Pettine — UX/UI Designer at La Chouette Co

Cette méthode peut donc être très efficace pour inciter les utilisateurs à avoir de bons comportements.

“Je pense que le modèle Hook peut éventuellement s’avérer positif dans un contexte de capitalisme vert par exemple” Lola Fenard — Social Media Manager at La Chouette Co

En effet, Forest est une application qui permet de déconnecter le temps de planter un arbre, le but étant de faire la forêt la plus luxuriante possible et d’encourager l’utilisateur à ne pas se servir de son portable.

Crédits : https://www.forestapp.cc/

Néanmoins, la gamification d‘un produit peut parfois prendre un autre tournant.

“Je pense que la gamification est un outil très utilisé au sein du modèle Hook, que ce soit pour des bonnes ou de mauvaises vocations” Élise Brohan — UX/UI Designer at La Chouette Co

🗻 La face cachée de l’iceberg

Nous allons à présent aborder les conséquences de la mise en place du modèle Hook, et voir en quoi il est loin d’être éthique.

“ Je pense que tant que l’utilisateur a le choix, on peut encore parler d’éthique” Élise Brohan — UX/UI Designer at La Chouette Co

L’utilisateur pense avoir le choix alors que c’est bien souvent le contraire. En effet, dans le documentaire Netflix, Social Dilemma, de Jeff Orlowski, Tristan Harris, ex-esthéticien du design chez Google et cofondateur du center for human technology, nous ouvre les yeux sur une réalité :

“Si vous ne payez pas le produit, c’est que vous êtes le produit”.

À travers cette citation, il nous explique que, la plupart du temps, nos choix sont influencés continuellement, car le “produit”, ce qui rapporte de l’argent à ces entreprises, c’est :

“Un changement progressif, léger et imperceptible du comportement et du point de vue des utilisateurs ” Jaron Lanier — Père fondateur de la réalité virtuelle et informaticien

C’est la seule manière dont les grandes multinationales peuvent gagner efficacement de l’agent, en modifiant les actions des utilisateurs et leur mentalité.

C’est pourquoi, à travers des déclencheurs, les entreprises vont inciter des utilisateurs à se servir de leur produit. En le faisant, ceux-ci vont produire de la data, qui va permettre de mieux les connaître et donc de mieux savoir ce qui va les retenir sur l’application.

Pour cela, de nombreux grands noms de la Silicone Valley, comme les créateurs de Uber ou Facebook, ont suivi des cours de Captologie, ou “design du comportement”, qui, à travers une approche psychologique et numérique, enseigne l’influence des actions des utilisateurs.

Ils vont user de stratagèmes pour influencer sévèrement leur comportement sur le long terme, ce qui va rapporter de l’argent aux entreprises, car ils vont faire de leur produit un outil irremplaçable dans la vie de leurs utilisateurs.

Bien que les utilisateurs n’en aient absolument pas conscience, les ingénieurs et designers, eux, en ont parfaitement connaissance, mais mettent tout de même ces pratiques en place.

Il n’est donc plus vraiment question de leurs choix, mais de quel chemin on a voulu faire prendre à l’utilisateur. Des produits, comme Instagram ou Tinder, ne sont pas à disposition des utilisateurs pour répondre à leurs besoins, mais ils ont leurs propres objectifs auxquels répondre et utilisent les utilisateurs pour y parvenir.

C’est un peu l’arroseur arrosé.

Illustration : Lise Pettine — UX/UI Designer at La Chouette Co

On pourrait comparer le fonctionnement du modèle Hook à celui des drogues (qui incluent le travail, le sport ou toutes autres activités qui peut mener à une addiction), ici, le déclencheur sert à créer une frustration, on fait ensuite l’action pour accéder à la récompense qui met fin à cette frustration, mais puisque c’est éphémère, on répète l’action sur le long terme, on s’investit” Lola Fenard — Social Media Manager at La Chouette Co

Illustration : Lise Pettine — UX/UI Designer at La Chouette Co

Lorsqu’on like des profils sur Tinder par exemple, notre cerveau voit cet événement comme une récompense, ce qui vient activer le système dopaminergique. Néanmoins, contrairement à la faim, ce système ne possède pas de mécanisme de satiété, le cerveau ne reçoit pas de signes, l’incitant à arrêter l’action. On n’en a jamais assez, c’est un désir insatiable, qui produit un investissement sur le long terme.

Un autre élément qui va à l’encontre de l’éthique, ce sont les principales sources des déclencheurs. En effet, ce sont davantage les émotions négatives avec lesquelles les entreprises jouent, comme l’ennui, ou la solitude.

L’application va rassurer l’utilisateur qui va s’y rendre régulièrement, comme Instagram qui devient une sorte de “safe zone” lors de moments d’attente. On peut alors parler de techno cocon, qui est le fait de se réfugier sur son portable dans ces moments-là.

“Je pense que le modèle Hook repose sur le principe « d’ego numérique », le principal déclencheur des réseaux sociaux, c’est ce sentiment de supériorité face aux autres qu’on ressent” Patrick Cottaz — Développeur Fontend at La Chouette Co

Le modèle Hook repose sur ce qu’est l’humain au plus profond de sa nature, un animal social, avec le besoin de s’évaluer par le regard d’autrui pour se situer au sein d’un groupe, afin de valider son estime de soi. C’est pourquoi ce processus est particulièrement utilisé dans des produits sociaux B to C.

🦉 Mais alors comment ça fonctionne à la chouette ?

Illustration : Lise Pettine — UX/UI Designer at La Chouette Co

À la Chouette Co, la conception de produits est une des activités centrales, cependant, les processus utilisés se distinguent de ceux employés par les grands de la Silicon Valley.

“Les étapes du modèle Hook restent un schéma simpliste, qui peut se prêter à tous les types de produits, ce sont d’ailleurs les mêmes étapes clé qu’on utilise dans des expérience map à la chouette” Clément Hector — UX/UI Designer at La Chouette Co

En effet, bien que l’on retrouve les principales étapes de ce modèle au sein d’expérience map, ce n’est pas pour autant qu’elles ont le même objectif par la suite.

“La chouette n’a pas encore ​​de charte éthique, mais l’intelligence d’esprit fait que lorsque nous faisons face à ce genre de process, nous savons là où l’on met nos limites” Clémence Billaud — UX/UI Lead Designer & Studio Manager at La Chouette Co

Même si aucune charte éthique, n’a été établie de manière explicite, l’éthique, dans la conception de produits, est primordiale. Donner un sens au produit, une utilité et une accessibilité, sont des valeurs que portent une grande majorité des membres de la Chouette Co. C’est pour chacun, du bon sens, que de limiter l’utilisation de data, ou les notifications.

“Je ne pense pas qu’à la chouette nous utilisons ce genre de process, car nous développons les fonctionnalités qui nous semblent vraiment utiles, nous limitons les notifs, etc.” Élise Brohan — UX/UI Designer at La Chouette Co

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’éco-conception est une valeur importante à la Chouette. L’objectif reste de produire de manière durable, en investissant sur le long terme.

“A la chouette, on n’utilise pas ce genre de process, car nous concevons des produits durables et pérennes, nous n’avons donc pas cette notion de plaisir éphémère qu’à le modèle Hook” Lola Fenard — Social Media Manager at La Chouette Co

De plus, la chouette conçoit principalement des produits dédiés aux entreprises pour des entreprises, B to B.

“Je pense que le modèle Hook concerne principalement des produits B to C, ce que la chouette fait peu” Clémence Billaud — UX/UI Lead Designer & Studio Manager at La Chouette Co

Nous ne retrouvons pas cette nécessité de motiver les personnes à utiliser le produit en le gamifiant, car les utilisateurs ont un réel besoin du produit. Cela ne veut pas dire que la Chouette n’utilise pas la gamification, mais simplement que son utilisation est là pour améliorer l’expérience utilisateur et non pour combler le besoin d’appâter les utilisateurs.

🤘 En conclusion

Il existe des effets positifs comme négatifs au sein de modèle Hook, qui rendent ce processus controversé. Le plus important est d’avoir conscience du pouvoir que l’on a en tant que designer. On se doit de réfléchir et d’agir en conséquence lors de la conception de produits, notamment dans le choix des mécanismes à mettre en place, afin d’être le plus éthique possible.

Encore une fois, c’est davantage l’objectif du produit qui détermine son éthique, le modèle Hook n’est qu’un des outils pour y parvenir.

« Peut importe le modèle, si l’objectif est néfaste, le modèle sera néfaste » Clémentine Fernandez — Développeuse Fullstack at La Chouette Co

On peut en déduire qu’au sein de La Chouette co, bien qu’il n’y ait pas de charte éthique clairement définie (pour l’instant 😉), la mission première, reste : Imaginer et guider un futur humain, utile, et durable, ne laissant pas de place à ce genre de process manipulateur.

Maintenant, que tu as pu comprendre les problématiques de la conception de produits addictifs et des mécanismes utilisés, je t’invite à consulter l’article de ma chouette collègue Élise🌈, qui apporte des solutions sur des manières plus éthiques de concevoir ce genre de produits.

Lise✨

🗒 Mes sources :

PS : retrouvez tous les articles design & tech sur notre blog 🦉

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